Photographies & récits poétiques /
du 4 juillet au 13 septembre 2020
Demandez l’histoire de l’objet, ils vous raconteront une page de la leur. C’est comme ça. L’objet est biographique quand on y prête l’oreille.
L’objet est aussi fabriqué, donné, échangé. Rangé, caché, épousseté, vendu. Parfois convoité, acquis ou jeté. Or toujours il est investi d’histoires. Comme le mouvement des vagues sur les rives du fleuve, les objets entrent dans les maisons et un jour en ressortent. Les souvenirs qui en restent graduellement s’effacent.
Dans cette série photographique, Geneviève Thibault explore la trace plus ou moins indélébile que les choses laissent au passage.
L’artiste a choisi des objets dans des ventes de garage. Elle en a fait une négociation narrative : chaque fois elle a payé au vendeur la somme demandée à condition qu’il lui fasse le récit de l’objet. Toutes les acquisitions ont été photographiées avec une caméra instantanée, puis les polaroïds ont passé plusieurs mois sous l’eau salée. Le fleuve a graduellement transformé la représentation de l’objet. Son souvenir semble avoir été effacé par les marées.
Ces images dégradées, puis numérisées, se trouvent au mur, tandis que les histoires de ces huit choses sont conservées dans un catalogue. Pour l’ancien propriétaire, l’objet a quitté la maison et sa charge symbolique s’est évanouie. Pour nous, l’image de l’objet a subi le passage du temps, mais son récit demeure intact.
Tous ces objets et leurs déclinaisons acquièrent le statut inattendu d’artefacts. Ce qui pour l’un ne constituait qu’une simple chose à vendre devient pour l’artiste le sujet d’une exposition. Ces objets ordinaires sont placés, montrés, éclairés. On consulte leur histoire dans un catalogue. Maintenant on en prend soin.
Les objets sont biographiques. Il suffit de savoir y prêter attention.
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À l’automne 2018, Geneviève Thibault a participé à une classe de maître, menée par l’artiste Caroline Hayeur. Orchestré par Culture Bas-Saint-Laurent, ce séminaire de création se rattachait à la 10e édition de la Rencontre photographique du Kamouraska. L’artiste a exploré le territoire bas-laurentien, plus particulièrement les rives du fleuve. Fabriquant des allégories, Geneviève raconte son expérience du recommencement. L’exposition qui en découle donne à voir le fleuve au-delà de la contemplation qu’il suscite naturellement.
Cette exposition, à découvrir dans nos salles en primeur cet été, sera également présentée à pareille saison l’an prochain, dans le cadre de la 10e Rencontre photographique du Kamouraska. Si la programmation principale de l’événement se tiendra à Kamouraska même, cette exposition satellite gravitera pour sa part au Musée du Bas-Saint-Laurent (Rivière-du-Loup).
Geneviève Thibault
Depuis sa Matanie originelle, elle retrace les histoires et les vies. Elle fait voir du pays aux autres, elle qui en a déjà tellement vu. L’attention au cœur et l’âme voyageuse, Geneviève Thibault a arpenté nombre de territoires avant de venir se poser de nouveau dans sa terre natale; le sentiment qu’à eux-seuls, les habitants de cette région renfermeraient assez de secrets sur lesquels venir braquer son objectif. Nourrie par l’ordinaire, elle magnifie le quotidien en allant à sa rencontre, révélant alors toute l’authenticité des scènes qu’elle observe. Une manière de faire dire à l’image ce que les autres sont, et de dévoiler, à travers ses photographies, un peu de ce qu’elle est aussi : une artiste sensible au regard fin et délicat.