Cette année, l’exposition proposée aux petits et grands explore le thème de l’environnement par le regard de l’enfant : de la nature sauvage jusqu’au confort de la maison. Le parcours traverse un labyrinthe de roseaux où se trouve, en son centre, un trésor; un jardin fabuleux où fleurs et plantes féériques ont envahi l’espace; et une cabane faite d’un drap immense comme celles que l’on faisait, enfant, entre les rêves et les peurs que l’on se racontait, microcosme intime.
Cette exposition multisensorielle témoigne de la rencontre entre enfance et création. Elle met en scène des œuvres résultant d’une étroite collaboration entre trois artistes visuelles et près de 200 enfants, rencontrés dans le cadre du programme d’éducation artistique. Sculpture sur bois, dessin et photographie permettent d’aborder l’appropriation de l’art par les petits et relatent l’expérience à laquelle étaient conviés les participants.
Akamouraska
Josée Bourgoin (Saint-André de Kamouraska)
Kamouraska proviendrait de akamaraska qui, en langue algonquine, signifie « il y a du jonc au bord de l’eau ». L’artiste, bien ancrée dans le territoire où se déploie son art, propose une promenade ludique dans un labyrinthe géant. Ce labyrinthe géant, c’est l’illustration du Kamouraska. Ses champs, sa forêt, son littoral, sa beauté et ses joncs. En effet, le roseau est au cœur de la région, comme il est au cœur de « Akamouraska ». Les enfants étaient invités à laisser dans l’argile les traces de leurs jouets qui, une fois manipulées par l’artiste, deviennent les roseaux. Puis, au bout de ce passage où s’allient enfance et environnement, se trouvent deux versants : les enfants reconnaitront leurs jouets, tandis les adultes seront invités à interroger la fragilité de l’environnement et la menace qui pèse sur elle.
Josée Bourgoin s’exprime, raconte et s’interroge par la sculpture. Elle interagit avec l’autre et avec la matière, adaptant sa pratique au gré des rencontres et de l’asymétrie unique des arbres. Artiste du détail, elle révèle sa sensibilité à travers la finesse d’une courbe, à travers la jonction qu’elle crée entre des univers opposés, à travers son désir d’initier les tout-petits à l’art. Elle travaille à nourrir l’éveil des consciences et utilise le bois comme un allié. Ses inspirations premières lui viennent des végétaux, faisant évoluer sa démarche vers une recherche métaphorique entre la vie et le mouvement associé aux formes organiques.
Des fleurs habitées
Fernande Forest (Rimouski)
« De la nature à moi, de moi à eux, d’eux à moi et de moi à vous », explique l’artiste. Les enfants qu’elle a rencontrés ont utilisé ses photographies de végétaux pour créer leur propre plante; elle, à partir de leur création, a recomposé de nouvelles plantes, à la manière d’une mise en abime. Impressionnée par l’abstraction créative des tout-petits, par les concepts minimalistes des enfants de 4 et 5 ans et par le réalisme de ceux de 6 ans, l’artiste reconnaît en eux la conscience de la nature qui les entoure. En amalgamant leur imaginaire au sien, elle use d’instinct et de réflexion pour obtenir des propositions nouvelles, des textures uniques et des gestes inspirants.
Pour Fernande Forest, la nature et l’être humain sont au cœur de sa démarche. À l’aide notamment de la photographie et de la numérisation, elle capte les sujets sensibles de son environnement et utilise la technologie pour faire ressortir leur pouvoir d’évocation. Ses œuvres soulignent par des assemblages symboliques et des agrandissements révélateurs les liens significatifs qui nous relient au monde. Sa pratique s’oriente autour de l’art relationnel et de l’intuition, là où l’expérience de la rencontre avec l’autre fait partie intégrante de son œuvre et guide la création.
La Cabane
Amélie Pellerin (Kamouraska)
Les enfants et les artistes baignent dans un monde où le rêve et la réalité sont entremêlés, ils se racontent des histoires, des peurs, inventent des mythes. Amélie entretient une attitude de jeu qui rappelle celle des petits lorsqu’ils créent. Pendant les ateliers de dessin exploratoire, les enfants devaient, selon la thématique des peurs, projeter leur univers imaginaire sur le drap géant. Par ce projet de création avec eux, l’artiste cherche, dans un geste libéré de préoccupation esthétique, à explorer une matérialité et un support différents. L’installation est une cabane immense, un lieu où l’on entre et sort, qui rappelle l’espace intra-utérin, une tente tendue dessinée que les petits participants sont invités à expérimenter.
Dans sa pratique artistique, Amélie Pellerin travaille la relation dedans-dehors, le contenant-contenu l’enveloppe et le corps. Elle est intéressée par le geste brut et l’accident, le processus. Elle aime créer un art qui appelle au toucher, qui invite les corps à participer, à laisser leur empreinte ou à vivre une immersion. Elle crée des mises en scènes, des environnements ludiques, bricolés, souvent en suspension, où se déploient sans cesse ses obsessions : le dessin, les organes, l’anxiété, les animaux fantaisistes, les fantasmes et les rêves, les mots et leurs formes. Ses dessins sont amenés dans l’espace du lieu, envahissent sol et murs, deviennent installation.
L’enfant, comme l’artiste, regarde le monde avec curiosité : il s’émerveille, manipule, expérimente, transforme, crée. Les œuvres des artistes étant des représentations, des interprétations et des points de vue sur la réalité, elles font rêver et réfléchir, laissent des trace et ensemencent l’imaginaire des petits. Ces faits indéniables sont les prémisses du programme d’éducation artistique « Moi à l’œuvre – Expérience vivante en création ». Ce programme, qui stimule les rencontres entre enfants, artistes et œuvres, s’adresse à la toute petite enfance et aux enfants d’âge primaire. Il vise à favoriser le développement et l’éveil de l’intelligence sensible des enfants à travers les savoir-faire et les démarches de création, en les dotant d’outils novateurs pour enrichir leur expérience vivante, comprendre le monde, apprendre à interagir avec l’autre et définir leur personnalité. Par le biais de rencontres avec des artistes professionnels au sein des centres de la petite enfance, des maisons de la famille, des écoles et des municipalités du territoire, l’enfant est plongé dans un environnement artistique valorisant l’imaginaire et la créativité. Il découvre, au fil des rencontres, trois disciplines en arts visuels : la sculpture sur bois (avec Josée Bourgoin), la photographie (avec Fernande Forest) et le dessin (avec Amélie Pellerin). De courts spectacles alliant la danse et la musique lui sont présentés afin de l’immerger dans l’univers créatif d’un artiste visuel, de l’imprégner de sa démarche. L’enfant est ensuite invité à participer à la création d’œuvres et exécute certaines manipulations, guidé par l’artiste. De retour à son atelier, l’artiste détourne, assemble, expérimente ou dissocie les créations de chaque enfant afin de créer des œuvres complètes, toujours en corrélation avec sa pratique. De là nait le projet d’exposition « Moi à l’œuvre – Expérience vivante en création ».