Du latin in visu, « par le regard », ces trois expositions déploient une pluralité de langages, une infinité de techniques et autant de conceptions du paysage. Présenté ici comme des espaces vécus, le paysage n’existe pas sans le regard. Il faut vivre un horizon – son espace-temps, sa précision, sa grandeur – pour pouvoir en témoigner; pour qu’horizon enfin soit paysage.
Six artistes offrent ainsi leurs témoignages et leur subjectivité à propos de la collision entre l’humain et la botanique, entre l’humain et la nature. Ce qu’elle fait de nous et ce que nous faisons d’elle. Le spectateur est invité à investir le lieu de sa présence et, par son propre regard, à donner vie aux œuvres. À parcourir, à être translation, à faire sens. Par des détails, des fragments, des instants figés, ces expositions explorent l’immensité et la démesure du paysage.
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Phytophanies
Luce Dumont (Saint-Fabien)
Crédit photo : Luce Dumont
Du grec phytos, « plante », et phanes, « apparence » ou « lumière ». Phytophanies est un amalgame de la botanique et des possibilités de la lumière grâce au mylar – matière translucide. Évocation de l’évanescence de nos liens à la nature, l’exposition regorge de fragments de formes naturelles qui deviennent des signes autonomes, mais demeurent fragiles. Ce jeu se manifeste dans la réorganisation, dans la superposition des éléments picturaux déclinés avec de subtiles nuances. Le visiteur doit absolument circuler autour des œuvres suspendues, luminescentes, travaillées recto-verso. De la vue d’ensemble au regard intime, de la translation à l’immobilité, les œuvres se substituent à l’architecture de paysages naturels.
Le travail de Luce Dumont émane d’une dialectique entre l’analyse et l’intuition, exprimant ses préoccupations écologiques et esthétiques, dont les référents sont principalement humains. Elle s’interroge sur la fragilité et la complexité des rapports de l’humain à lui-même et à son environnement. Elle procède à l’hybridation des techniques – dessin, estampe, peinture et broderie – et crée un métissage original et personnel.
Eau Montagne Eau
Yechel Gagnon et Alexandre Masino (Longueuil)
Crédit photo : Richard-Max Tremblay
Inspiré de la tradition chinoise de peinture lettrée, Montagne Eau signifie « paysage ». Ce projet explore des pratiques et des médiums différents, deux langages significatifs. Il y a des tableaux et monotypes à l’encaustique; des embossements et bas-reliefs de bois exotiques. Une alliance se concrétise dans l’expression de la subtilité, de l’épuration. Elle est un dialogue de contrastes forts explorant selon deux approches les principales figures de la transformation universelle : la Montagne et l’Eau. Et ce dialogue résolu donne son sens au paysage – entre les œuvres et le témoin.
Crédit photo : Richard-Max Tremblay
Yechel Gagnon transpose les images et les intentions qui la peuplent sur divers matériaux, usant de diverses techniques. Recherche synchronique de stabilité et de diversité, sa démarche vise l’équilibre entre signe et vide, entre présence et absence, entre naturel et artificiel.
Alexandre Masino tangue à la frontière de l’invention et de la mimésis. Observation, mémoire et imagination agissent pour lui en tant qu’espace fertile où, à travers le temps, il participe à la mouvance du langage visuel.
Maillage
Marie Pierre Daigle et Fabrice Roy Plourde (Kamouraska), Dahlia Milon(Montréal)
Crédit photo : Samuel Harper
Maillage approfondit un langage commun entre trois femmes : le textile. On y découvre un désir de rencontre entre la fragilité, la féminité et le désir de faire maille. Ensemble, elles marquent le lieu et affirment leur façon d’habiter et d’influencer le territoire. Le fleuve, symbole d’abondance, de fertilité, de subsistance, de rythme et de courant, devient cartographie. Un espace sensible où s’imprègne un tissage étroit entre les femmes et l’eau. Les vêtements évoquent l’intimité et l’identité et les bouées sont des repères. Ils sont légués aux visiteurs qui empruntent ce passage.
Marie Pierre Daigle exprime sa singularité par le verre et le textile. Elle explore des univers courbes et sensibles où s’entrecroisent les matières et nous parle de vie.
Fabrice Roy Plourde additionne les strates de laine en étoffes comme autant d’assises de l’âme humaine, comme une invitation à l’errance au milieu d’archétypes à définir.
Dahlia Milon pense le corps comme l’armature à ses œuvres textiles qui deviennent de secondes peaux porteuses de mémoire, de symboles et de traditions.