Série photographique abstraite /
du 4 juillet au 13 septembre 2020
« Skating on thin ice » se traduit mal en français. Pour la photographe Joan Sullivan, cette expression décrit parfaitement notre situation à l’égard de la crise climatique.
L’hiver dernier, alors que Sullivan photographiait la glace sur le fleuve, entre Le Bic et Rimouski, elle constate la surface ténue de celle-ci. Ayant en tête les images horribles des feux incontrôlables en Australie – où vit sa fille –, elle s’enrage du manque d’engagement social et politique devant l’urgence planétaire. Elle remarque alors que ses mains tremblent – non pas à cause du froid, mais à cause de la colère et de la douleur.
Sullivan se met à bouger brusquement sa caméra. Au bord du fleuve et au bord des larmes, les résultats photographiques la surprennent.
Ses images suggèrent la fragilité de la vie, son caractère éphémère. Certaines donnent l’impression inquiétante que la glace fluviale s’évapore; d’autres nous rassurent par leur fausse tranquillité. Toutes demeurent intrigantes, avec des couleurs presque pastel, comme une aquarelle abstraite.
Cette série d’images est un cri du cœur. C’est aussi une métaphore : la beauté et la douceur du paysage dissimulent sa fragilité croissante, alarmante.
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À l’automne 2018, Joan Sullivan a participé à une classe de maître, menée par l’artiste Caroline Hayeur. Orchestré par Culture Bas-Saint-Laurent, ce séminaire de création se rattachait à la 10e édition de la Rencontre photographique du Kamouraska. L’artiste a exploré le territoire bas-laurentien, plus particulièrement les rives du fleuve. Fabriquant des allégories, Joan raconte son expérience du recommencement. L’exposition qui en découle donne à voir le fleuve au-delà de la contemplation qu’il suscite naturellement.
Cette exposition, à découvrir dans nos salles en primeur cet été, sera également présentée à pareille saison l’an prochain, dans le cadre de la 10e Rencontre photographique du Kamouraska. Si la programmation principale de l’événement se tiendra à Kamouraska même, cette exposition satellite gravitera pour sa part aux Jardins de Métis (Grand-Métis).
Joan Sullivan
La photographe et vidéaste Joan Sullivan a voyagé et traversé de nombreuses frontières avant de se déposer sur les rives du fleuve Saint-Laurent, à St-Valérien-de-Rimouski. Posant un œil critique sur les contextes dans lesquels elle a vécu, elle a longtemps privilégié les séries documentaires dans sa pratique. Or Fleuve fragile / Thin Ice constitue la première exposition où ses rendus photographiques s’écartent de leur aspect documentaire originel, pour témoigner d’une sensibilité à la texture et au vécu de l’image. Ses récents clichés militent pour la préservation de l’environnement, lui qui est sujet à des dégradations sans précédent depuis les dernières décennies. À travers sa série, elle choisit consciemment de ne pas tourner dos à cette crise, et plutôt d’ouvrir l’œil : une façon qu’elle a de porter demain.
Le portrait de l'artiste a été fait par Anna Lemay.