Rêverie d’enfants, fantasmagorie nocturne, désir en quête de satiété, histoires féeriques; le rêve est un pouvoir de la pensée qui revêt une kyrielle d’aspects. Tissé d’une multitude d’éléments conscients ou inconscients, d’attentes et de peurs, de souvenirs et de préoccupations quotidiennes, le rêve fait appel à l’imaginaire et permet à l’humain de négocier son rapport au monde. Détour du réel, il est une ouverture créatrice à l’exploration de ce qui nous peuple, nous hante et nous constitue.
Aborder le rêve et son apport libérateur en cette époque où nous avons tendance à tourner collectivement le dos à l’imaginaire vagabond pour diriger nos espoirs d’un monde meilleur vers la raison, la science et l’économie, n’est pas anodin. Axer cette série d’expositions dans une approche ludique qui défie la logique, à l’image des jeux d’enfants, non plus : présenter le rêve et l’imaginaire permet un retour à l’enfance salvatrice. Car l’enfant plein d’imagination d’aujourd’hui deviendra l’homme imaginatif de demain, capable de création et d’invention.
Suivant un parcours constitué des quatre éléments, le feu, l’eau, l’air et la terre, auxquels s’ajoute le rêve comme cinquième élément unificateur, cette série d’expositions s’adresse aux petits et grands. À l’image des rêves qui sont tantôt merveilleux, étranges, fantastiques ou bizarres, des mondes s’inventent ici, qui paraissent autres et ailleurs, mais où, pourtant, quelque chose de ce monde-ci s’ouvre et se révèle.
Il est brasier incandescent au creux d’une fournaise, flamme tremblotante d’une chandelle, lave brûlante au cœur du volcan ou crachat mortel du dragon. Il s’excite, s’embrase, se consume, s’éteint. Le feu semble posséder sa propre personnalité, un caractère impulsif, difficile à apprivoiser. Il symbolise la passion, l’enthousiasme, la vitalité. Dans les contes imaginaires, on lui donne vie, on le personnifie. On l’associe tantôt aux créatures bienfaitrices, tantôt aux individus maléfiques. Phénix, feux follets, diablotins, sorcières, salamandres et dragons contrôlent, maîtrisent ou domestiquent les flammes, des plus ardentes aux plus vacillantes.
Des quatre éléments, il est celui qui s’apparente le plus au caractère antinomique de l’imagination : comme elle, il est à la fois illumination, procurant lumière et chaleur à celui qui sait le dompter, et destruction, dévorant et brûlant quand on en perd le contrôle. À l’image de l’utilisation du feu, la capacité de rêver et d’imaginer de l’homme peut lui être salvatrice ou dévastatrice. Dans les récits merveilleux, c’est bien souvent la notion de bien et de mal qui tranchera sur les bienfaits ou la fatalité des flammes. Il en va de même pour l’imagination. Son maniement en vue de «faire le bien» apportera création, renouveau et utilité au bien-être collectif ou individuel. À l’inverse, mal contrôlée ou carrément exploitée avec de mauvaises intentions, elle peut être destructrice pour l’individu ou à l’échelle sociale.
Les sentiments de l’être sont au cœur de la démarche de Judith St-Jean, artiste du verre. Le verre, à l’instar de l’humain, possède de grandes propriétés de transformation. Sous sa rigidité se cachent une importante malléabilité, des capacités exponentielles d’adaptation et de résilience, une remarquable aptitude à se fusionner. Comme l’humain, le verre est à la fois fragile et dur. Les œuvres de Judith St-Jean témoignent de cette rencontre entre la matière qu’est le verre et la lumière qu’est l’émotion.
Oeuvre de Judith St-Jean
Visages du verre met en scène des personnages composés de verre dichroïque, reconnaissable par sa façon de capter la lumière de laquelle résultent des couleurs iridescentes et éclatantes. Les couleurs qui composent la lumière sont séparées par les filtres dichroïques sans être absorbées: certaines sont transmises et les autres sont réfléchies. La longueur du parcours de la lumière dans les couches minces est modifiée par l’angle d’observation et il en résulte des colorations qui changent selon l’angle sous lequel on observe la surface. Le verre dichroïque transmet une lumière qui procure au moral des effets bénéfiques similaires à la luminothérapie. Si la conquête spatiale a donné naissance au développement des filtres dichroïques, leur utilisation est désormais quotidienne.
Site internet:
http://www.mrckamouraska.com/repertoireculturel/fiche.php?cat=5&fiche=139
Depuis maintenant plus de deux mille ans, l’homme transforme et apprivoise les métaux. Plutôt brutes au départ, les techniques permettant de travailler les métaux, le fer entre autres, se sont raffinées avec les âges et sont devenues beaucoup plus qu’un rapport utile avec la matière : elles sont aussi un art. Cet art, plus que centenaire, ainsi que les œuvres qui en émergent sont plus que paradoxales dans le monde de la consommation moderne. Où est-il possible, aujourd’hui, de trouver des biens qui puissent durer plusieurs centaines d’années? La ferronnerie d’art offre cette durabilité à laquelle s’ajoutent l’esthétisme et la personnalité du forgeron.
Sébastien Beaulieu est forgeron depuis une dizaine d’années. Passionné, il façonne des objets à la fois utiles et artistiques. Père de quatre enfants, son quotidien fourmille d’une énergie jeune; l’enfance et son ouverture singulière à l’imaginaire transpire jusque dans ses créations, semblant parfois sorties d’un conte de chevaliers.
Site internet:
https://www.facebook.com/pages/SB-Ferronnerie-dArt/191643994195435
L’eau, source de vie et de mort, est à la fois créatrice et destructrice. Elle abreuve, érode, noie, berce, apaise, clapote, s’écoule, rugit. Elle est fluide et épouse, de gré ou sous la contrainte, toutes les formes qu’elle rencontre. Dans l’infiniment petit d’une goutte d’eau se révèlent des mondes imaginaires aussi denses que ceux que l’on retrouve dans l’immensité des océans. L’eau et ses multiples facettes fascinent et déroutent. Sur l’eau, les rêves flottent parmi les vagues, se transportent à bord de paquebot ou s’accrochent à la surface. Sous l’eau, ils voyagent à dos de baleine, côtoient des sirènes et des monstres marins, restent prisonniers des abysses ou explorent à dos de bulles.
Au-delà des épopées sensorielles qu’elle inspire, l’eau témoigne des rapports de force et de taille. Les gros poissons mangent les petits, c’est bien connu! De même, dans la réalité telle que nous la connaissons, plus la taille des biens matériels est imposante, plus l’adulte qui les possède semble en situation de pouvoir. Cette question de la taille, le petit et le grand, est un rapport qui, depuis l’enfance, hante le plus spontanément la pensée humaine. L’enfant qui s’évade dans un univers où tout s’offre à la portée de ses petits doigts en jouant avec des modèles réduits a l’impression de gouverner, ou du moins, de reprendre le contrôle, lui qui se doit d’obéir constamment aux «plus grands». Cet enfant, en s’appropriant le petit et le grand, négocie son rapport au monde et apprivoise son propre changement de taille, son corps qui se transforme et ses angoisses de devenir géant face à lui-même. À son image, la dimension, proportionnée ou non, et les rapports de force qu’elle engendre et qui peuplent notre imaginaire, est un miroir du va-et-vient intérieur qui nous habite entre ce que nous sommes, ce que nous avons été et ce que nous sommes en train de devenir.
Étienne Guay, Sans titre.
Les œuvres du forgeron Étienne Guay témoignent du vent, du relief du terrain et des architectures qui l’habitent. L’utilisation du territoire dans l’installation de mécaniques simples, tels des girouettes, des vire-vent et des moulins à vent, se veut un témoin du milieu et des espèces vivantes en présence sur les lieux. Chacune de ses sculptures devient une occasion d’explorer le territoire : il conçoit et met en scène les sculptures cinétiques qui témoignent et composent nos écosystèmes naturels afin d’y représenter une interprétation des animaux qui en sont issus.
Les œuvres sculpturales de Créatures d’eau proposent aux visiteurs un accès privilégié au monde maritime. Par la représentation personnelle des espèces de nos écosystèmes marins, l’artiste plonge, littéralement, le visiteur dans un univers hors du commun, où les petites et grandes mains peuvent donner vie, réarranger et construire leur propre trame narrative.
Site internet:
http://www.metiers-d-art.qc.ca/index.php?option=com_repertoire&Itemid=222&stype=6&site=CMAQ&Id=324
Le premier cri du nouveau-né lancé à pleins poumons, la respiration haletante du marathonien qui termine sa course, le soupir amoureux d’une adolescente rêveuse : l’air est synonyme de souffle de vie. Invisible et universel, il s’infiltre partout. Locomotive d’effluves et polinisateur de souvenirs, il fouette violemment ou caresse de sa brise l’imaginaire des petits et des grands. Sa légèreté lui permet de porter nos rêveries jusqu’aux confins de l’univers : tant de rêves côtoient, grâce à lui, les étoiles.
Symbole de mouvements, de liberté et d’allègement, l’air est celui qui permet à l’oiseau et à l’avion de voler. De tout temps, l’homme a été fasciné par le ciel : personne n’aurait mis les pieds sur la lune si l’obsession de s’envoler n’était pas au creux des pensées humaines. Dans les récits merveilleux et les contes de fée, le désir de vaincre la pesanteur est souvent incarné par l’oiseau. Il est celui qui possède des plumes d’une légèreté déroutante, qui peut planer à travers les nuages pour fuir les dangers et qui, d’un battement d’ailes, peut quitter le sol pour s’approcher du soleil. Au-delà de sa promesse d’ivresse et de légèreté, il représente, à l’instar des tapis volants, des fusées et des avions qui peuplent le monde fantastique, la possibilité de s’envoler rapidement vers le lointain. De quitter, le temps d’un rêve, la réalité parfois oppressante.
Réjeanne Pelletier, Sur les traces du merle bleu.
Les œuvres peintes de Réjeanne Pelletier témoignent de la vie et des paysages du Kamouraska qu’elle transpose en couleurs vives, dans des atmosphères chaudes et lumineuses. Animant les moments magiques et les gestes du quotidien, elle raconte une histoire : celle de ce doux pays, de ses gens et de ses petits bonheurs.
D’un coup de pinceau précis, elle crée des mondes colorés et festifs qui mettent en scène ces petites habitations qui peuplent nos jardins : les maisonnettes d’oiseaux. Tantôt fictifs, tantôt réels, ces univers empreints de légèreté nous donnent envie d’y plonger et de se poser, d’un battement d’ailes, à l’entrée de ces petits refuges, pour contempler les alentours en sifflotant.
Site internet:
http://pages.infinit.net/rejpel/
Foulée au quotidien par des petits et grands pieds, la terre est la mère universelle. Nourricière, elle nous porte, nous supporte et nous subit. Elle unit, à elle seule, tout sur la planète : elle protège l’eau des océans de son noyau brûlant et est balayée par les grands vents. Médiatrice, elle assure l’équilibre entre les hauteurs des montagnes et les profondeurs des abîmes, entre ses grottes les plus sombres et ses sommets les plus élevés. Associée à la réalité et au concret, elle n’en demeure pas moins un élément qui éveille l’imaginaire et qui fait naître des mondes fantastiques où l’impossible est possible.
Se référer à la terre nous amène indubitablement à la notion de territoire. À l’image des territoires réels, ces espaces dans lesquels nous grandissons et ces communautés avec lesquelles nous vivons, les territoires fictifs, tout droit sortis de nos rêves, façonnent notre identité et nous rendent uniques. Du pays des merveilles au bord du fleuve de Kamouraska, en passant par la forêt enchantée et les centres-villes, les territoires imaginés ou bien réels témoignent de la constante mutation qui habite chaque être humain. Entre désir de s’établir et envie de découvrir le monde qui l’entoure, l’homme trouve souvent un compromis rassasiant dans la rêverie.
Émilie Rondeau s’intéresse au paysage, d’où elle tente d’inventer, à l’aide de la photographie, la gravure, l’impression, l’animation et l’installation, de nouvelles parcelles et manières d’y plonger son regard. Des années d’études et d’apprentissages dans des environnements et des lieux marquants ont servi à l’édification de sa démarche et de sa pratique artistique portant un intérêt particulier pour la manipulation et l’animation de l’image. Elle met en chantier, au propre comme au figuré, des projets qui reflètent et questionnent notre relation au paysage réel ou simulé. Dans ses plus récentes créations, l’artiste utilise différentes stratégies pour engager le regard, confondre les perceptions et transgresser la réalité physique des lieux.
La chambre aux merveilles est un environnement immersif où toucher, bouger, sauter, grimper sont encouragés. Des plateformes, des structures et des sentiers modulent et divisent l’espace, créant un parcours où les échelles de grandeur variées et les juxtapositions déroutent. Émilie Rondeau y transforme la salle d’exposition de façon à transporter les petits et grands visiteurs dans un endroit enchanté et merveilleux, un monde insolite, féerique et fantastique qui se joue de la logique.
Site internet:
http://www.emilierondeau.com
Originaire de Mexico, la photographie est au cœur de la création de Pilar Macias depuis son arrivée au Québec en 1991. Sa démarche artistique se concentre sur les rapports identitaires que l’être humain entretient avec son milieu. Par son projet Images filantes, elle explore la construction identitaire dans sa complexité et ses contradictions, à travers l’environnement bâti et les paysages du Kamouraska. En partant à la découverte des paysages, des lieux, des personnes et des bâtiments, elle a créé des jouets optiques où le ludique et l’appartenance au territoire sont réunis.
Le praxinoscope, table tournante métamorphosée où des séquences d’images fixes et des jeux de miroirs permettent d’animer les images, est une métaphore d’un territoire qui, à l’image du concept d’identité, est en constante mutation et redéfinition. Les kaléidoscopes, quant à eux, sont des exemples à la fois concrets et symboliques de la façon dont on peut créer quelque chose de nouveau par un simple réarrangement de ce qui existait déjà.
Site internet:
http://www.pilarmacias.com
Territoire intime et propre à chaque individu, dans lequel celui-ci exerce sa faculté d’imagination, sans les barrières et les contraintes de la réalité, le rêve permet à l’impossible de se réaliser au quotidien. Il est une conscience d’images et d’émotions dont le caractère d’étrangeté le situe dans une classe à part. À la fois porte d’entrée d’un monde intérieur où les attentes se comblent et les angoisses s’envolent, et voie de sortie d’une réalité perçue comme accablante, le rêve joue un rôle primordial dans le développement de la vivacité d’esprit : il permet d’élaborer peu à peu nos propres réponses et de mettre en marche la pensée créative. Constamment muable, il possède à la fois une unicité individuelle et une universalité collective. Il se métamorphose, évolue et se transforme au gré des aspirations d’une société et des individus qui le portent.
Le rêve se manifeste dans le processus de créativité de tout artiste : l’art est l’expression de l’imaginaire. Le rêve créatif nécessite, de prime abord, une conscience active de la part de celui qui en fait usage dans l’optique de le transposer dans une œuvre. Il revêt, par la suite, un caractère contemplatif pour celui qui découvre l’œuvre ainsi créée : s’imprégner d’une œuvre, l’observer jusque dans ses moindres détails, s’amuser ou s’étonner du travail de l’artiste, regarder, ressentir, admirer, s’emporter. L’art est un pont tracé entre le rêve d’un artiste et l’imaginaire de celui qui découvre l’œuvre, un parcours tantôt sinueux et escarpé, tantôt bucolique et paisible, mais qui mène toujours à la découverte : la découverte de soi, du monde et de l’autre.
Jacques Thisdel, Les vaches dans l’arbre.
Jacques Thisdel aime les objets : il les cherche, les acquiert, les récupère, les collectionne, les crée, les laisse habiter son espace et envahir son imaginaire. L’objet déclenche son processus de création comme la toile et la matière le font pour d’autres. Hautement colorées, ses «sculptures-objets» sont plus poétiques que réalistes, plus fantaisistes que sages, plus émotives que rationnelles. Elles sont liées au monde de l’enfance et à celui du merveilleux.
Véritables mises en scène en trois dimensions, faites de papier mâché et de matériaux divers, les œuvres de Forêt témoignent d’humour et de poésie. Portes ouvertes sur un monde où l’imaginaire est roi, elles racontent des histoires qui font sourire. Personnages, animaux et arbres se côtoient dans une vision artistique qui rappelle toutes les possibilités des rêves, que ce soit ceux que l’on fait en dormant une fois adulte ou ceux que l’on vit, bien éveillé, pendant l’enfance.
Site internet:
http://jacquesthisdel.com
La photographe Catherine Rondeau a développé, au fil des ans, un intérêt pour le surréalisme et une expertise en manipulation de l’imagerie numérique. Privilégiant la lumière naturelle et la spontanéité lors de la prise de vue, elle prend désormais plaisir à jouer avec les lieux et les éléments afin de créer des univers oniriques où les frontières du vrai et du faux se brouillent.
S’inspirant de l’univers des contes, De l’autre côté du miroir présente une série d’images photographiques qui explore ce qui se joue, de l’autre côté du miroir, dans la tête d’un enfant occupé à négocier son rapport au monde, usant de son imagination pour relâcher des tensions intérieures. Les rêveries de l’enfant viennent à la rencontre de ses désirs et les comblent, lui permettant ainsi de mieux composer avec la réalité. Véritables portes d’entrée dans l’univers de l’imaginaire de l’enfance, les œuvres de Catherine Rondeau sont empreintes de sensibilité, tantôt humoristiques, tantôt tragiques, mais toujours à l’image des fabulations indispensables au développement d’un enfant qui, demain, aura à inventer le monde.
Site internet:
http://www.catherinerondeau.com
Catherine Rondeau, Place de l’horloge.